Le traitement psychanalytique des dépendances est reconnue comme étant très difficile. Les processus de dépendance sont très résistants au changement du seul fait qu’ils représentent l’antidote parfait au désespoir existentiel et à la profonde expérience de solitude de la personne. D’autant plus que, lorsque la personne dépendante arrive en psychothérapie avec ce symptôme souvent destructeur et honteux, elle espère en être « débarrassée » et est non désireuse, voire incapable, de réfléchir aux origines relationnelles de la dépendance, encore moins à la douleur que celle-ci soulage du seul fait de son aversion à tout état vulnérable. Le patient peut alors demander directement ou indirectement au thérapeute de lui dire comment faire, de lui donner les solutions antidotes rapides, et le thérapeute d’approche psychanalytique se voit réduit à l’impuissance, bloqué ou annulé. Le travail thérapeutique qui privilégie la réflexivité et l’introspection peut alors apparaître aux deux protagonistes comme étant futile et absurde, voire impossible. Dans cette situation clinique problématique, comment ouvrir la possibilité d’un véritable dialogue avec le patient ou d’une relation développementale qui pourra éventuellement contenir et réguler la douleur que la personne ne peut qu’anesthésier? Est-ce que c’est possible? Et comment en chercher le chemin?

Darren Haber (2020, 2021, 2022), affirme qu’avec le temps et avec une patience analytique persistante, une thérapie relationnelle peut parfois sauver la vie du patient. De solides notions de compréhension de la nature relationnelle des traumatismes et des emmêlements systémiques à l’origine de ces compulsions peuvent s’avérer très utiles au thérapeute pour l’inspirer dans ce territoire rempli de contradictions et d’ambivalences. « La dépendanc emprisonne tout en protégeant, abuse tout en apaisant » (Haber 2020). Cet auteur affirme aussi qu’une intense autoréflexion continue et vulnérable du thérapeute, combinée à une exploration empathique soutenue de son impact sur le patient, est décisive dans ces cas. Cela met en évidence l’avantage d’une approche de systèmes intersubjectifs où une curiosité soutenue concernant la construction de sens des patients en relation avec nous, en même temps qu’une vigilance sur notre propre construction de sens, permet de relâcher les nombreuses contraintes et stimuler la créativité clinique.

Plus important encore, de telles situations cliniques intenses et tendues peuvent très facilement évoquer les propres traumatismes relationnels du thérapeute, de même que ses moyens auto protecteurs archaïques, reproduisant l’emmêlement toxique systémique d’origine pour le patient. Il y a de la place pour l’essai et l’erreur, pour l’échec de l’accordage affectif; mais il importe alors de reconnaître notre propre faillibilité et d’en porter authentiquement la responsabilité sans s’en accabler. De le faire ouvre alors de nouvelles perspectives de compréhension des dilemmes existentiels du patient.

Il n’y a pas de formule simple cependant; les nombreuses études de cas dans les textes de Darren Haber peuvent nous inspirer et nous aider à garder le cap, ou à le retrouver quand nous le perdons, dans les traitements de patients dépendants de même que dans ceux de leurs proches.

N.B.- Vous trouverez sans doute que la lecture de ces textes n’est pas facile; de nombreuses métaphores finement réfléchies et un style plus littéraire que pédagogique rendent ceux-ci très denses. Nous vous suggérons de ne pas vous acharner à tout comprendre du premier coup de manière linéaire mais à relire comme vous liriez un poème qui stimule votre imagination.

1. Énoncer une perspective de compréhension des traumatismes relationnels et de l’emmêlement systémique à l’origine des compulsions addictives;
2. Décrire les disjonctions entre l’espoir thérapeutique des patients «  dépendants  » et l’espoir des thérapeutes pour ces mêmes patients;
3. Décrire les obstacles rencontrés par le thérapeute dans de tels traitements et ses réactions contre-transférentielles fréquentes;
4. Énoncer quelques principes directeurs importants pour le thérapeute dans ces situations cliniques difficiles.

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